De retour de Paris

En train de dessiner le buste de Victor Hugo par Rodin

Un café à la gare le matin, fatigués mais satisfaits de notre voyage, prêts à prendre notre car pour quitter Paris. Le soleil rasant créait de longues ombres dans la salle d’attente. Pas mal de monde. Sur le mur d’en face j’ai observé pendant quelques minutes le profil d’un couple d’amoureux. Je pouvais les observer sans être envahissant puisqu’il s’agissait de leur ombre. L’homme avait un profil de boxeur, le nez cassé et épais, le front court et massif. Son cou de taureau se devinait sous une veste élégante, bien coupée et souple. Il avait des rides et le front dégarni. La femme bien plus jeune avait des yeux énormes, ronds, presque beaux. On aurait dit qu’elle avait eu des problèmes de thyroïde. Je percevais clairement ses cils dessinés sur le mur. Elle clignait des yeux pour dissimuler ses larmes. Ils s’embrassaient souvent pour oublier le moment de plus en plus proche de la séparation. Leurs ombres bougeaient sur un espace de solitude, comme détachés du monde. Le soleil frappait toute la surface autour d’eux. Leur existence était dans l’ombre. Leur amour n’appartenait pas au monde des mortels.

Le passage d’un nuage a présagé leur disparition. L’annonce d’un train les a lancés dans les bras l’un de l’autre. Quelques instants plus tard, le soleil a disparu et la gare est devenue une gare typique inondé de voyageurs au regard ennuyé. La plupart partaient pour des raisons professionnelles, sans émotions particulières. Un mouvement constant d’humains dans une horlogerie bien réglée malgré les apparentes exceptions, tel ce couple déchiré. Qui sait, peut-être que si on comptait tous les jours les cas dramatiques, leur quantité serait similaire, ce qui impliquerait que ces adieux douloureux font partie de la machinerie.

Le car est confortable. Derrière nous un couple âgé de personnes bien habillées qui contrastent avec l’apparence assez décontractée des autres passagers, parle à voix haute depuis qu’on est partis. La poétesse écrit à côté de moi. Au loin je vois Orléans, sa cathédrale. La route est chargée. La fatigue accumulée rend mon activité cérébrale lente et lourde, mais mon esprit se sent léger. Quelques jours à Paris et le trajet artistique que nous construisons prend une nouvelle dimension. Les réactions devant notre travail, en sculpture et en littérature, sont fortes (je dois parler de notre rencontre très prometteuse de projets artistiques avec plusieurs personnes). Notre vie semble avancer sur un chemin difficile mais riche. 

C’était une bonne idée de rentrer en car. Nous ne souffrons aucune interruption puisque tout le monde doit rester assis (surtout le chauffeur) ; personne ne vient nous interrompre, ce qui n’arrive pas dans un train. Tout le monde est attaché (ceinture obligatoire) pendant le trajet. L’univers défile devant nous comme dans un film. Un long film de neuf heures.

Dessins au musée Rodin par Lartigue 5

 

2 réponses

  1. Avatar de Toussaint
    Toussaint

    ,bonjour vous deux merci pour ce texte poétique j’ai hâte d’écouter le récit de ton voyage Gérard joyeuses pâques à samedi bisous à vous deux

    1. Joyeuse pâques ! Merci pour ton message. On se voit samedi et on parlera des expositions de Rodin à Paris, et du voyage. gros bisous.

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