Avant d’être sculpteur, j’étais peintre. Je suis toujours peintre au fond de moi : mon regard continue à faire des couleurs une partie essentielle de mon univers. Les lignes et les taches constituent une des bases de mon langage. Seulement, je ne touche plus mes pinceaux depuis des années.
J’en parle parce que je viens de vivre un moment important lié à ce que je vivais souvent à cette époque : j’ai donné un nouveau foyer à une de mes anciennes toiles. Une personne que j’apprécie énormément, Adelaïde, et qui depuis des années collectionne mes oeuvres a souhaité acquérir le tableau de 2 mètres qui attendait dans un coin de mon atelier, une toile représentant deux saisons en même temps. Deux vélos (deux cycles), une ville, le temps suspendu, la paix et le mystère de l’hiver, la joie quelque part cachée l’été… deux vélos, l’un abandonné momentanément dans un champ de blé et l’autre posé sur un arbre couvert de neige. Le cycliste est absent, mais on devine sa présence pas loin. C’est un tableau important pour moi, surtout parce qu’il est l’un des derniers que j’ai réalisés. Le temps est resté suspendu pour moi aussi, par rapport à la peinture. J’ai arrêté de peindre complètement.
Il y a plus de trois ans, j’avais essayé de reprendre la peinture : la toile commencée est toujours sur le chevalet. Le modèle qui a posé est parti loin, a vécu mille choses et ne sait pas que le dessin est toujours là, au même endroit, comme si j’attendais son retour pour continuer… mais ce n’est pas le cas. Je laisse ce tableau-là pour me rappeler qu’un jour je reprendrai la peinture. La personne qui a posé sera tellement différente qu’elle ne pourra plus servir de modèle pour ce tableau. Ou plutôt si : elle sera représentée en deux temps, comme la toile que je viens de laisser partir. Deux temps, deux cycles, deux saisons, deux vélos. L’hiver n’est jamais la fin d’un cycle, juste une étape d’un temps flexible.
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