Il y a plus de 37 ans…
Il ne s’agit pas de dire : oh, que le temps passe vite ! (déjà parce que je trouve absurde de mesurer le temps avec un adverbe de temps ; c’est comme dire que la dernière minute a mis une minute pour passer). Exprimer ce regret, c’est une façon du cerveau de mettre en contact deux bouts de temps en effaçant ce qui se trouve au milieu, qui est infiniment long (là, j’utilise un paramètre d’espace). En fait, la longueur du temps prend une dimension spécifique à l’instant où nous observons un laps de temps déterminé : si je me trouve dans la salle d’attente chez le dentiste, je peux me dire que le temps est long parce que je souhaiterais me trouver déjà de retour à l’atelier pour continuer une sculpture. En sortant du cabinet, je vois passer une petite fille de la main de son père et à ce moment-là je peux me dire que le temps passe trop vite en me rappelant de la petite main de ma fille dans la mienne deux décennies plus tôt, même si dans ce laps de temps est inclus celui de la salle d’attente où le temps me semblait infiniment long. J’évite donc cet exercice d’effacement du temps entre deux bouts distants. C’est une affaire de s’habituer à voir plutôt l’infiniment petit. Je pense à la tortue et à Achille (le paradoxe de Zénon d’Elée). Achille dispute une course avec la tortue. Il lui donne un avantage de 100 mètres. Il parcourt les 100 mètres, mais quand il arrive au point où se trouvait la tortue, elle est déjà à un point plus avancé. Achille parcourt alors cette distance, mais quand il arrive à ce nouveau point, la tortue est déjà plus loin, alors il avance encore au point où… et ainsi de suite. Il ne la rattrape jamais. On entre dans l’infiniment petit. Le temps s’arrête. Les couleurs disparaissent, tout est en paix, immobile. L’air ne bouge presque pas. On entend le silence. On entre dans un état idéal pour sculpter, en dehors du temps.
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