Réalité virtuelle et art

La poétesse est debout, seule, les yeux cachés par un casque holographique, une espèce de loup pour dormir, mais bien épais. Elle lutte contre des Zombies qui l’attaquent. Je ne peux rien faire pour elle ; je ne vois pas ce qu’elle voit. Elle marche sans bouger les pieds, dans un autre monde. Ses mains lancent des objets inexistants. Elle baisse la tête pour éviter un obstacle invisible pour moi. J’aimerais l’aider et la protéger, mais je ne fais pas partie de ce monde de Zombies.

Aldo me passe le casque et j’entre à mon tour dans une maison hantée. J’avance en appuyant sur un bouton d’une des manettes. Je tourne la tête dans tous les sens et découvre un décor impressionnant de réalisme, malgré l’inévitable économie des détails. Le son est envoûtant. Des chauves-souris surgissent tout à coup d’un trou dans le mur. Des livres tombent du haut d’une étagère, une poupée crie et me barre le passage. Le cerveau se laisse convaincre qu’il est vraiment dans cet univers étrange. On a envie de toucher les objets. L’odeur manque.

Mon neveu nous montre un dernier jeu : une espèce de Photoshop géant : j’entre dans une page blanche. Les mouvements des mains créent des lignes dans l’espace qui m’entoure. Je me mets à dessiner un visage. Je devrais dire sculpter, puisque c’est en trois dimensions. La peinture et le dessin rejoignent la sculpture ! On peut retourner « l’objet » créé, passer la main à l’intérieur des lignes, enlever les traits qui dépassent du volume souhaité. Je peux placer des lignes épaisses comme si je modelais un visage avec du fil de fer. Le dessin flotte devant mes yeux. Je l’agrandis. Il est plus grand que moi. Ma main peut entrer dans le crâne de mon personnage !  Je pourrais presque mordre chaque ligne que je viens de créer. Le monde extérieur n’existe plus. Tout est blanc autour du dessin et de moi. Je suis à l’intérieur de cette page 3D, presque vierge. Il faut créer un nouveau monde.

Pour un sculpteur, cette technologie est prometteuse. Je pourrai bientôt faire des esquisses dans l’espace, des ébauches de sculpture dessinées déjà en volume. Aldo ne sait peut-être pas qu’il m’a fait découvrir un outil révolutionnaire.

Malheureusement, je ne peux pas partager sur mon blog un dessin tridimensionnel puisque l’écran est plat. Plat comme les images qu’on connaissait. Les images du futur ne seront pas plates.

Je poste alors une image d’une de mes sculptures photographiée par Juliette. Le résultat est virtuel. Et surprenant. Le sujet de la sculpture est la relation que, de nos jours, nous entretenons avec le portable : une jeune femme reçoit une mauvaise nouvelle sur son téléphone. L’ombre sur la photo montre au contraire deux femmes qui se touchent la main dans une relation directe, sans technologie.

femme en plâtre bataclan par Lartigue - photo J Marne

 

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