Nos visages sculptés par le temps. Houellebecq (1)

Quand on travaille pendant des jours et des jours « le nez dans le guidon » sur une pièce, on finit par fabriquer mentalement une image de la pièce. A la fin, on la voit « parfaite ». L’artiste ne se rend pas compte qu’une partie importante de l’œuvre a été fabriquée dans son cerveau. Il perçoit la sculpture qu’il imagine avoir créée, mais il suffit de ne plus l’observer pendant quelque temps pour qu’elle apparaisse devant lui avec tous ses défauts bien évidents. Une méthode pour casser cette fabrication artificielle dans notre esprit est de regarder l’œuvre sur un miroir (inverser l’image) ou sur un petit écran (changer le format). Notre cerveau n’a alors pas le temps de recréer l’image fausse. Il est obligé d’accepter le fait que la sculpture ne correspond pas à ce qu’il s’était forcé à croire.

Dans le buste que j’ai réalisé de Michel Houellebecq, on peut découvrir la force du visage sincère d’un homme qui qui a pris sur lui la décadence de notre société. Il l’a intégrée dans sa propre chair. Je ne me vante pas d’avoir créé un buste avec une certaine personnalité. C’est Houellebecq qui a « sculpté » ce visage, pas moi. Et il est magnifique. Je ne suis qu’un interprète. J’essaie d’attraper la beauté là où elle se trouve déjà. J’insiste souvent sur l’importance du travail du modèle. Si son visage dégage une force particulière, c’est non seulement l’œuvre de la nature, mais aussi celle de la personne qui a accumulé des expériences marquantes (c’est le cas de le dire). Les traces de leur vécu sont visibles. J’en parlerai souvent. Pour lire un deuxième article sur Houellebecq, à propos de la couverture du livre d’Agathe Novak-Lechevalier, cliquez ici. 

Houellebecq et son buste réalisé par Gérard Lartigue. Photo de Sylvain Bourmeau avec son autorisation.

Une réponse

  1. […] « Mon dernier article, autour du buste d’Houellebecq, me mène à reprendre un texte que j’ai écrit au moment de la publication du livre d’Agathe Novak-Lechevalier, en librairie depuis 2018, Houellebecq, l’art de la consolation, dont la couverture est un dessin que j’ai réalisé de l’écrivain.  Etant donné que la pandémie n’existait pas à l’époque, je trouve signifiant le fait que je fais allusion à la banalité ambiante d’une façon qui aujourd’hui me semble désuète. Heureusement. […]

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